Réforme des retraites : Avant la mobilisation du 7 mars, les députés dans une « drôle de guerre »

BATAILLE Les députés de la Nupes et du camp présidentiel fourbissent leurs armes avant la journée de grève prévue mardi prochain et la reprise des échanges à l’Assemblée nationale

  • Après deux semaines d’examen à l’Assemblée nationale, le projet de réforme des retraites arrive cette semaine au Sénat.
  • Pendant quelques jours, les députés peuvent souffler, mais les deux camps se préparent déjà aux prochaines batailles autour du texte du gouvernement.
  • L’opposition a en tête la journée de grève et de mobilisation prévue le 7 mars prochain, quand la majorité scrute d’un œil attentif les débats au palais du Luxembourg.

Un peu de repos pour les braves. Après deux semaines de bataille chaotique à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur les retraites est arrivé lundi au Sénat, où les débats prendront fin le 12 mars prochain. En attendant, les députés s’offrent quelques jours de répit, même si la réforme des retraites reste dans un coin de leur tête.

Au sein de la majorité, on imagine déjà s’appuyer sur un vote favorable du Sénat pour défendre la légitimité du texte. L’opposition, elle, fourbit ses armes avec en ligne de mire le 7 mars, nouvelle journée de mobilisation contre la réforme.

« Tout le monde reprend son souffle »

La semaine passée, des députés de tous bords ont donc profité des quelques jours de pause parlementaire pour s’aérer la tête. « On s’est un peu reposé, oui. Tout le monde avait besoin de souffler, confie Erwan Balanant. Notre démocratie a été malmenée pendant deux semaines, l’Assemblée est sortie perdante de ces chicaneries. Donc avec cette coupure, j’espère que les esprits de certains vont se refroidir… », ajoute le député MoDem du Finistère, qui en a profité pour passer au Salon de l’Agriculture, à Paris. « C’est une autre actualité, qui soulève des questions cruciales pour le pays. J’ai plus ça en tête en ce moment, c’est une respiration par rapport aux retraites », dit-il.

Dans l’opposition, on profite de l’accalmie pour compter les points gagnés. « Notre premier objectif a été rempli : Macron voulait opposer la légitimité parlementaire à l’opposition populaire, mais l’Assemblée nationale n’a pas adopté le texte, donc il a perdu. La bataille de nerfs, on l’a remportée. Maintenant, tout le monde reprend son souffle », avance Antoine Léaument, député La France insoumise. La pause parlementaire coïncide aussi avec la période des vacances scolaires, durant laquelle les syndicats n’ont pas prévu de journée nationale de mobilisation. « Ce n’est pas plus mal que les gens puissent mettre de l’argent de côté pour les jours de grève à venir. Tout le monde reprend des forces pour être prêt le 7 mars, début de la vraie grosse bataille contre cette réforme », ajoute l’élu d’Essonne.

Maintenir la pression

Au sein de la Nupes, on souhaite maintenir la pression jusqu’à mardi prochain, date à laquelle l’intersyndicale appelle à une journée de grève pour « mettre la France à l’arrêt ». Sur le terrain, les élus de gauche s’activent donc pour ne voir les Français se désintéresser trop du sujet pendant leurs vacances. « Les meetings ne s’arrêtent pas, on lance des caravanes dans les quartiers populaires, on fait du tractage, du collage d’affiches, pour pousser à une large mobilisation le 7 mars », reprend Antoine Léaument.

« Il y a une pause dans la mobilisation sociale, mais je ne sens pas un risque d’essoufflement. Je ne crois pas à un retournement de l’opinion tant ce projet de loi est honni par une grande majorité de Français », poursuit Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados. Selon un sondage Odoxa publié ce mardi, 66 % des personnes interrogées sont toujours opposées au texte. « La mobilisation sort renforcée des débats à l’Assemblée, reprend le porte-parole du groupe PS. Plus les jours avancent, plus la com’ du gouvernement s’effrite. On continue d’ailleurs notre travail de pression aux QAG [questions au gouvernement] et la bataille se poursuit au Sénat ». Au Palais du Luxembourg, les sénateurs de gauche (PS, EELV, PCF, mais pas LFI) ont déjà prévu plusieurs motions contre le texte. Aucune chance d’aboutir, mais le but est de pousser un peu plus l’exécutif dans ses retranchements.

« On continue à être vigilants »

Reste que ce même examen du texte au Sénat pourrait aussi servir de point d’ancrage pour l’argumentaire macroniste. « Les sénateurs ont pu voter en deux jours seulement l’ensemble du texte en Commission. C’est bien la preuve qu’on peut débattre sans combattre », raille Erwan Balanant. L’élu centriste, comme ses partenaires de la majorité, garde d’ailleurs un œil attentif sur le fond des échanges et les amendements votés, notamment par la droite sénatoriale. « On continue d’être vigilant pour combler certaines incompréhensions sur le texte, notamment concernant les mères de famille et l’emploi des seniors », dit-il.

Des avancées qui pourraient être utiles au moment d’aborder le sprint final dans l’hémicycle de l’Assemblée. Au sein de la majorité comme de l’opposition, chaque camp se prépare donc à l’affrontement décisif, comme s’en amuse Julien Bayou, député EELV de Paris : « On est dans la drôle de guerre, le moment où chacun fourbit ses arguments.