GOUVERNEMENT Ministre des Transports, puis de la Transition écologique… Sur le papier, Elisabeth Borne a le profil pour être cette Première ministre garante de la planification écologique qu’a promis Emmanuel Macron. Mais coté ONG, il y a des sceptiques
- Elisabeth Borne, 61 ans, a été nommée Première ministre lundi.
- Comme l’avait promis Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours, elle aura en charge la planification écologique. Autrement dit, faire en sorte que toutes les politiques publiques soient alignées sur les objectifs climatiques de la France.
- Sur le papier, Élisabeth Borne a le profil parfait, elle qui a été ministre des Transports et de la Transition écologique. Mais aura-t-elle le courage politique d’imposer les impératifs écologiques dans les arbitrages ? Des ONG en doutent.
« Il faut agir plus vite et plus fort ». Lundi en fin de journée, dans la cour de l’Hôtel de Matignon, Elisabeth Borne n’a pas manqué, dans ses premiers mots en tant que Première ministre, de mentionner le défi climatique et écologique qui l’attend. Une façon de rappeler que ce dossier devrait être tout en haut de la pile durant ce deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, « qui sera écologique ou ne sera pas », glissait ce dernier, à Marseille, dans l’entre-deux-tours.
Le président souhaite faire de sa Première ministre une garante en la matière, en la chargeant de la « planification écologique ». Ce qui revient à considérer que l’environnement n’est plus seulement l’affaire du ministère de la Transition écologique, mais de tout le gouvernement.
Une bonne maîtrise des sujets et une ouverture au dialogue
Sur le papier, Elisabeth Borne a le CV pour ce job. Elle a été directrice de cabinet de Ségolène Royal lorsqu’elle était à l’Environnement, de 2014 à 2015. Puis ministre des Transports, entre mai 2017 et juillet 2019, sous la tutelle des ministres de la Transition écologique Nicolas Hulot puis François de Rugy. Avant d’accéder elle-même à ce poste à la démission de ce dernier. Elle restera un peu moins d’un an à la tête de l’hôtel de Roquelaure, jusqu’à juillet 2020, avant d’être nommée ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion dans le gouvernement de Jean Castex. Poste qu’elle occupait ces derniers jours encore.
Bref, Elisabeth Borne maîtrise les dossiers clés de la transition écologique et leurs enjeux. Un bon point qu’accorde Anne Bringault, coordinatrice des programmes au Réseau action climat (RAC). « Elle a notamment l’avantage de bien connaître les dossiers européens, pointe-t-elle. C’est essentiel alors que se négocie en ce moment « Fit for 55 », le grand plan européen qui doit permettre d’accélérer notre transition énergétique et d’atteindre nos nouveaux objectifs climatiques [moins 55 % d’émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990]. Pour ce moment crucial, il fallait un Premier ministre tout de suite opérationnel. »
Un passage à l’Hôtel Roquelaure décevant ?
Avoir les connaissances est une chose, mais « avoir la bonne vision de ce que doit être une société bas carbone en est une autre », pointe Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, déçu par le passage d’Elisabeth Borne à l’Hôtel de Roquelaure et guère enthousiasmé par sa nomination à Matignon. « Elle connaît bien le dossier de l’huile de palme, dont on a beaucoup parlé à l’époque. Ce qui ne l’a pas empêché de soutenir Total et la raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) dans le report de l’exemption fiscale sur l’huile de palme [l’une des matières premières importées par l’énergéticien pour produire des biocarburants] », illustre-t-il. Il liste d’autres griefs : « la loi d’Orientations des mobilités, décevante, la loi Climat-énergie, où elle a fait reculer de dix ans le délai accordé à la réduction du nucléaire dans le mix énergétique, ou encore son engagement (vain) à “mettre en œuvre” les 146 mesures de la Convention citoyenne pour le climat ». « Elisabeth Borne n’a pas brillé par des positions fortes et ambitieuses », tacle-t-il.
Anne Bringault et Arnaud Schwartz, président de la Fédération nationale de l’environnement (FNE), nuancent tout de même le tableau en lui reconnaissant des qualités. Sa connaissance des dossiers, d’abord. « C’est une grande travailleuse, elle est organisée et à la rigueur », insiste Arnaud Schwartz. « C’est quelqu’un avec qui il est agréable de discuter, ajoute Anne Bringault. Elle est ouverte au dialogue, avec toutes les parties prenantes d’un dossier, y compris les ONG. » Un point que souligne aussi Arnaud Schwartz.